Pain de Sucre est une belle aventure commune, celle de Nathalie Robert et Didier Mathray, tous deux chefs pâtissiers cuisiniers formés dans la grande restauration gastronomique étoilée.
Nathalie et Didier ont ouvert leur première boutique au coeur du quartier du Marais à Paris en octobre 2004. Depuis septembre 2011, ils possèdent deux boutiques à cinq mètres l’une de l’autre, au 14 de la rue Rambuteau.
La boutique historique propose une gamme de produits salés, traiteur et boulangerie. À quelques mètres, la seconde boutique sucrée, consacrée aux gâteaux, macarons et confiseries, dispose de quelques places assises à l’intérieur et à l’extérieur en terrasse. Les deux magasins sont ouverts de 10h à 20h du jeudi au lundi (fermeture les mardis et mercredis).
Primée à plusieurs reprises, Pain de Sucre s’est distinguée dans le top 10 des meilleures pâtisseries de Paris selon L’Express, et dans le top 10 des meilleures pâtisseries de France d’après le guide gastronomique Gault et Millau. Son Baobab a également été élu meilleur baba au rhum de Paris par Le Figaroscope.
Histoire de Pâtissiers
À l’heure où la gastronomie se targue d’être scientifique, moléculaire ou encore « instagrammable », Nathalie Robert et Didier Mathray, qui ont ouvert Pain de Sucre en 2004, reviennent aux basiques, travaillent les souvenirs et les émotions du goût. Oui, la pâtisserie est essentielle mais elle est aussi là par plaisir !
Comment définissez-vous votre métier ?
Nous sommes des transmetteurs d’émotions, de mémoire, de goûts d’enfance. Nous offrons des sensations en puisant dans les goûts de l’enfance.
Que représente pour vous la créativité ?
Nathalie : Quand je pense à une nouvelle recette, je ne pense jamais à la technique pour éviter qu’elle ne m’enferme. J’ai besoin de toucher la matière et l’inspiration vient. Mais, j’ai la créativité modeste : je ne crée par pour dire « je crée ». Nous aimons renouveler notre gamme, varier en fonction des saisons et des produits que nous découvrons ou redécouvrons.
Didier : Je vous le confie, créer des nouveaux desserts est d’abord lié à la volonté de me faire plaisir. Je ne me fixe pas de limite, le temps de l’école est fini : j’aime sortir des codes établis et je le fais sans états d’âme. Un gâteau doit pouvoir sortir de sa forme originelle. Je puise dans nos expériences, dans nos voyages, dans ma bibliothèque de goûts. Et comme toutes les bibliothèques, vous ne savez pas toujours à l’avance quel livre vous allez choisir. Petite anecdote : j’ai besoin de m’atteler à une tâche particulièrement inintéressante pour créer un nouveau gâteau. Mettez-moi devant 20 kilos de citron à zester et je me mets à avoir plein d’idées.
Justement, comment faites-vous pour trouver des idées ?
Tout simplement. Notre créativité est délibérée, décomplexée et spontanée. Nous essayons d’avoir un style qui nous est propre. Nous répétons : non à l’uniformisation. La technique doit s’effacer derrière le produit sans vouloir à tout prix épater le client. Nous osons et nous sommes ouverts à la critique.
Les gens qui vous connaissent bien, vos clients, vos amis, disent de vous que vous êtes de vrais passionnés…
La pâtisserie est notre moyen d’expression. Le plus difficile est sûrement de retrouver du sens. Nous essayons de faire du bon en associant des goûts, nous décryptons, nous nous exprimons. On est sur le chemin, constamment en recherche, en tentant de se rapprocher au maximum du goût le plus authentique.
Avez-vous une signature, une singularité ?
Nous aimons particulièrement travailler avec des produits comme le sureau, l’angélique, l’hysope, le cassis, le sucre d’érable, la fleur d’oranger, la coriandre fraîche, le vin jaune d’Arbois… mais nous les renouvelons constamment.
Comment s’est passée votre ouverture en 2004 ?
Il fallait trouver un lieu, le quartier du Marais et la rue Rambuteau se sont imposés à nous vraiment par hasard. Au début, c’était assez difficile : nous venions tous les deux de l’univers de la restauration et il fallait trouver nos marques pour créer une gamme de pâtisserie de boutique. Mais nous avons voulu depuis le début une boutique chaleureuse, un petit espace de vie dans lequel les clients se sentent bien, à l’inverse d’un musée, d’une galerie ou d’une joaillerie. Il est vrai que nous sommes particulièrement satisfaits de pouvoir échanger avec nos clients. Nous essayons de prendre un peu de temps pour discuter avec eux. L’échange est vraiment important.
Mais comment amener les gens à la recherche et à l’exploration de nouveaux goûts ?
Nous voudrions faire découvrir des produits et étonner agréablement. Car, même si le goût est toujours lié à la mémoire, un dessert peut provoquer des émotions différentes. Quand vous goûtez à une tarte aux pommes, vous pouvez vous référer à toutes les tartes aux pommes que vous avez déjà mangées et faire appel à votre mémoire et votre bibliothèque de référents et de goûts, mais vous pouvez aussi vous préparer à la découverte et la nouveauté.
Les personnes qui goûtent vos desserts pour la première fois ont deux impressions : ils disent que « c’est très bon » et que « c’est peu sucré »…
C’est vrai que nous avons une relation au sucre assez particulière. Le sucre égale plaisir, quoi qu’on en dise. Mais c’est un ange et un démon. Même s’il est vecteur de goût et de texture, le sucre est une question de juste équilibre. Nous sommes des funambules du sucre, nous travaillons le sucre comme le cuisinier travaille le sel : nous assaisonnons nos gâteaux de sucre. Tout simplement.
Est-ce que vous êtes attentifs au marketing ?
C’est quoi le marketing ? Nous sommes prêts à tout sauf à élever la pâtisserie au rang d’art.
Même si nous sommes avec nos clients assez sensibles au look des gâteaux que nous proposons, nous sommes très loin de la haute couture, de la mode, du design. On ne doit pas vouloir acheter ou déguster un concept mais manger un gâteau, tout simplement.
Qu’est-ce qui vous rend différents des autres ?
Nous tentons d’observer en permanence la réalité et de remettre en cause les schémas établis. Pour casser le rythme effréné, nous prenons le temps qu’il faut pour créer : nous attendons l’état de grâce et de sérénité. Nous avons conscience qu’il est nécessaire de bousculer ce qui est figé mais nous ne sommes pas à la recherche de la mode. En tout cas, nous restons bien ancrés dans notre époque. Nous essayons de travailler sans contrainte ni obligation. Dès que la routine s’installe, nous nous préparons à changer.
Vous considérez-vous comme des artisans ?
C’est vrai que l’artisanat reste un métier où règne encore des valeurs auxquelles nous sommes attachés. Les pâtissiers sont en général des personnes de conviction, passionnés par leur métier, qui savent vraiment travailler en équipe et qui ont la « foi ». Nous sommes des artisans en contact avec une matière et nous maîtrisons une technique pour travailler cette matière. Le plus difficile et le plus excitant pour nous maintenant, c’est de sortir des codes de la profession. Si nous sommes si épanouis dans notre métier aujourd’hui, c’est grâce aux rencontres que nous avons faites, aux maisons dans lesquelles nous avons travaillé. Il est vrai que nous sommes particulièrement curieux tous les deux. Nous travaillons vraiment beaucoup mais nous aimons ça. Ce que nous faisons, nous essayons de le faire avec simplicité et sincérité.